D'après « Dictionnaire encyclopédique d'anecdotes modernes, anciennes, françaises et étrangères » (Tome 2), paru en 1872
L'écrivain et journaliste Berthoud, qui fut directeur de publication du Musée des familles puis du Mercure de France, nous apprend que Georges Cuvier possédait un perroquet doué d'une intelligence vraiment remarquable, et qui tenait avec les visiteurs de son illustre maître des conversations presque suivies.
Installé sur un haut perchoir dans l'antichambre du grand naturaliste, à l'arrivée d'une personne il grattait gravement avec sa patte gauche sa grosse tête verte à favoris rouges, et demandait d'une voix nettement accentuée : Que veux-tu à mon maître ? Suivant la réponse qu'on lui faisait presque toujours pour abréger l'attente, il reprenait : Ne bavarde pas ! Georges n'a pas le temps ! ou bien : Va-t'en, va-t'en, voleur de temps !
Mais c'était à dîner qu'il déployait son intelligence, ajoute Berthoud : placé à coté de son maître, il lui prodiguait toutes sortes de tendresses, l'appelait des noms les plus affectueux, et tendait à chaque instant son gros bec pour obtenir quelque bon morceau. Au dessert, on lui servait un peu de vin dans un verre, qu'il saisissait avec l'une de ses pattes et qu'il vidait à petites gorgées et en véritable amateur. D'ordinaire ce régal le mettait en gaieté, et, j'en ai bien peur, poursuit le journaliste, lui frappait quelque peu sur le cerveau, car il riait aux éclats, bavardait à tue-tête et souvent imitait de la façon la plus comique l'accent étranger des savants allemands ou anglais que Cuvier admettait à sa table.
Celui-ci s'amusait beaucoup des fredaines de l'oiseau, qui ne laissait point parfois de déconcerter beaucoup ceux auxquels il s'adressait, et qui ne comprenaient guère qu'un homme de génie pût s'amuser de pareilles billevesées. J'ai vu, entre autres, confie Berthoud, M. de Humboldt sortir de table presque scandalisé, et renfonçant plus que jamais son menton solennel dans les plis de sa haute et immense cravate.
healthcontractor 16/05/2015 11:41