Dans ses Mémoires, Louis Fauvelet de Bourrienne (1769-1834), qui fut un proche de Bonaparte avec lequel il avait été à l'École de Brienne en Champagne, s’exprime ainsi :
Dans les premiers temps seulement que nous habitions les Tuileries, quand je voyais Bonaparte entrer dans le cabinet à huit heures du soir, revêtu de la redingote grise, je savais qu'il allait médire : « Bourrienne, allons faire un tour ! » Quelquefois alors nous allions marchander des objets de peu de valeur dans les boutiques de la rue Saint-Honoré, sans que nos excursions s'étendissent plus loin que la rue de l'Arbre-Sec.
« Pendant que je faisais dérouler sous nos yeux les objets que moi je paraissais vouloir acheter, lui, il faisait son rôle de questionneur ; il n'y avait rien de plaisant comme de le voir alors s'efforcer de prendre le ton léger et goguenard des jeunes gens à la mode. Qu'il était gauche à se donner des grâces, quand, rehaussant les coins de sa cravate , il disait : « Eh bien ! madame, que se passe-t-il de nouveau ? Citoyens, que dit-on de Bonaparte ? Votre boutique me paraît bien achalandée. Il doit venir beaucoup de monde ici. Que dit-onde ce farceur de Bonaparte ?... »
Qu'il fut heureux un jour ! Il nous arriva d'être obligés de nous retirer précipitamment pour fuir les sottises que nous avait attirées le ton irrévérencieux avec lequel Bonaparte parlait du premier consul.