Suite au coup d’Etat du 2 décembre 1851 de Louis-Napoléon Bonaparte, président de la République, Victor Hugo s'exile volontairement à Bruxelles du 5 janvier au 1er avril 1852 (il gagnera ensuite Jersey), en condamnant vigoureusement ce putsch et son auteur, le futur Napoléon III, dans un pamphlet qu’il publiera la même année 1852, intitulé Napoléon le Petit.
Lors de son séjour à Bruxelles, il habitait une pièce misérable au-dessus d'un débit de tabac, ce qui n'était pas fait pour adoucir son exil. Un soir qu'il travaillait plus tard que d'habitude, sa logeuse frappa à la porte.
– Monsieur, votre fils a-t-il la clef ? (Charles – deuxième fils de Victor Hugo – était sorti.)
– Non, madame.
– Comment faire alors ? (Elle tombait de sommeil)
– Couchez-vous. Je vais descendre dans votre boutique, j'écrirai tout aussi bien sur votre comptoir que sur ma table et j'attendrai mon fils.
Il s'installa dans le comptoir, se percha sur le haut tabouret de la marchande et écrivit là. Des clients attardés vinrent renouveler leur provision de tabac. Sa plume d'oie fichée sur l'oreille, imperturbable, le bonhomme contenta les acheteurs, rangea le gain dans le tiroir, et reprit, comme si de rien n'était, la suite de Napoléon le Petit.
Illustration : Victor Hugo en 1852